Châteauneuf : 5 domaines à leur apogée !

Demandez à un amateur trois grands domaines à Châteauneuf-du-Pape et vous êtes à peu près sûr d’entendre toujours les mêmes, non sans raison, mais les années passent, les générations se succèdent et les vins évoluent, parfois s’améliorent. À l’heure où la communication a pris la main sur la dégustation, La Tulipe Rouge a souhaité revenir sur cette génération de vignerons qui a su s’inscrire dans la continuité d’une tradition d’excellence tout en lui apportant les bénéfices de connaissance et d’esthétique de son époque. Cette génération de vignerons, c’est la génération de la discrétion. Celle qui a préféré se taire en attendant de trouver sa place. Plutôt que d’interpeller par nouveauté, elle a construit l’édifice de son identité et s’affirme aujourd’hui avec toute la puissance de l’expérience endurcie. Retour sur ces parcours si différents et proches à la fois, qui nous rappellent, s’il le fallait, que Châteauneuf-du-Pape est une terre de grands vins.

5 châteauneuf à leur apogée

Il n’y a pas de mauvais millésimes, mais des millésimes différents

Cette affirmation racoleuse cache une réalité plus subtile. Au-delà de la régularité du domaine qui, dans le tumulte des millésimes, sait trouver la quiétude du vin juste, du vin possible, il y a l’idée du vin à découvrir pour toujours, du vin-œuvre que l’on ne cesse de découvrir. Tout ne peut pas ressembler aux exceptionnels 2016, 1990 et 1978. Mais tout devrait nous inciter à saluer les plus modestes 2012, 2006 et 2003 que l’on savoure aujourd’hui avec délectation. Plutôt de demi-garde, portant la signature du millésime, ces vins de l’ombre sont bien plus que des « vins de vigneron » pour reprendre l’expression d’usage. Ils sont des vins de buveur de vin ! Autrement dit, ils sont les vins que nous devrions boire aujourd’hui – et 2016, celui que nous devrions transmettre à nos enfants (sauf si vous êtes né en 2016…) ! Mais à notre époque, l’exceptionnel ne peut pas attendre, il faut le boire pour dire qu’on l’a bu ! Tant pis pour les générations futures, elles ne connaîtront pas les vins de Châteauneuf. Car c’est bien de cela dont il s’agit : le « grand » millésime est un messager dans le temps tandis que le « petit » millésime un messager dans l’espace, propice à faire connaître au plus grand nombre la grandeur des vins de Châteauneuf. On s’émerveille devant les rayonnants 1990 et l’on s’émeut de l’excellente tenue des 1978, tout simplement parce qu’il y a encore des 1990 et des 1978 à déguster. Si l’on se rappelle que Châteauneuf n’est pas une appellation comme les autres, c’est parce qu’on a pu déguster grâce à ses parents, un ami ou un vigneron (ou à sa propre patience !) des vins de 30 ou 50 ans ; pas parce qu’on a avalé un 2016* ! Et si l’on n’a pas de parents ni d’amis amateurs de vins, il y a des 2012, des 2006 voire des 2003 absolument remarquables qui aujourd’hui, avec la même exactitude que les « grandes » années, délivrent la substance de Châteauneuf, à savoir cet alliage de puissance et de finesse, de largeur sans lourdeur, et de parfums ennoblis par la patine de l’âge, mélange de roses fanées et de havane. Parce qu’un vin, c’est aussi du plaisir, on se délectera enfin de cette sucrosité qui n'est pas sucre, mais richesse d’un fruit gorgé de soleil et de garrigue dont le grenache se fait l’emblème.

*Il est vrai qu’un excellent Châteauneuf 2016, comme tout grand vin, est délicieux dans sa jeunesse. Dans ce cas, l’amateur doit acheter 12 bouteilles. Six pour étancher sa soif et six autres pour la postérité.

Quand la faiblesse devient qualité

Tout l’art du vigneron réside dans cette transformation d’une matière entachée des stigmates de l’année. Non pas la destruction d’une aspérité indésirée ou le maquillage d’une faiblesse qui déformerait le profil type, mais plutôt l’acceptation puis la construction autour de cet écueil d’un vin assumé et singulièrement esthétique. Dire que 2012 est « végétal », c’est aussi admettre que 2012 est délicat par construction et en vieillissant, que ce « végétal » devient « thé noir », « patchouli » ou « garrigue », que ce « végétal » devienne enfin amertume, complexifiant ainsi les sensations de fin de bouche. Bien entendu, tout est affaire de proportion et d’équilibre, c’est tout l’art du vigneron. À l’opposé, 2003, année de la canicule (et d’un hiver sans eau, déjà), nous enseigne que nous ne savons pas grand-chose du vieillissement des vins. Enterré dès sa naissance, plus par ignorance que par expérience, ce millésime dévoile aujourd’hui des vins d’une élégance certaine qui surprennent les amateurs comme les vignerons eux-mêmes.

Des vins de table

Oubliez les vins de soif ou les vins glouglou. À Châteauneuf, on fait des vins de table, entendez des vins pour la table. Ce qui n’empêche pas d’étancher sa soif avec un verre de Châteauneuf blanc ou d’apprécier la fraîcheur mentholée d’un Châteauneuf rouge à maturité. Non. Il s’agit plutôt de souligner la propension du vin de Châteauneuf à accompagner toutes sortes de cuisines, selon le cépage ou l’assemblage, selon l’année ou encore la cuvée. 13 cépages, un vignoble composite, des gammes de vins toujours plus riches, tout est là pour répondre aux plus audacieuses expériences culinaires. Lors de nos dégustations, nous nous sommes risqués à quelques idées. Nous laissons cependant à l’imagination de l’amateur le soin de concevoir les siennes. Bonne lecture.

Olivier Borneuf

 

Verticales Châteauneuf-du-Pape rouge

  • Avant toute chose, rappelons que ces 5 domaines ne constituent pas une liste exhaustive, mais un extrait de ce que l’appellation contient de talents discrets et passionnés. Que cet article suscite la curiosité du lecteur, mais aussi l’envie d’aller plus loin !
  • Les vignerons étaient libres de choisir les millésimes en fonction de leur propre histoire et surtout de leur propre réserve !
  • La note sur 100 donne une idée de la qualité de la bouteille ouverte le jour de la dégustation et doit donc être interprétée comme une tendance et non une certitude figée sur le millésime !