Santé !

Chers compatriotes, chers amis anglophones, 

Il y en a marre ! C’est vrai quoi ! Dry January, Sober October, de surcroît en anglais, il y en a marre ! D’autant qu’au pays du vin, cet ethnocide* est soutenu par les médias et quelques jésuites hauts-fonctionnaires illuminés, financés par le contribuable, mais certainement pas par la majorité de la population ! D’autant qu’en employant la langue de Shakespeare, stratégie perfide qui en dit long sur le courage des suscités, on nous fait gober, à coups de « dry » et de « sober », que cela ne vient pas de chez nous, mais d’un puritanisme anglo-saxon nébuleux dominant le courant du monde…
Pourquoi s’acharner sur le vin, quand on voit les dégâts du tabac par exemple ? Parce que le vin, c’est plus facile ! Parce que le vin ne pèse rien. Je ne parle pas de son poids dans la balance commerciale de notre pays, mais du pouvoir d’influence de la filière dans son ensemble auprès des institutions françaises et européennes. Plus fragmentée que la filière viticole tu meurs ! C’est d’ailleurs ce qui fait son charme, mais aussi sa faiblesse quand il s’agit de défendre des intérêts communs à moyen long terme. Alors, comment faire pour retrouver du vin sur nos tables à après les fêtes ? 
« Celui qui ne bouge pas ne sent pas ses chaînes », nous rappelle Rosa Luxembourg. Qu’attendons-nous pour bouger ? Qu’attendons-nous pour, symboliquement au moins, lutter contre ces « dry » et « sober » arides et rugueux ? Sachant que « lutter » ne signifie pas simplement boire du vin dès le 1er janvier ou, comme le suggère le « Damp January » (encore en anglais !), défendre l’idée d’une consommation individuelle raisonnable et mesurable, que l’on sait bien difficile à mettre en pratique. 

Dry January


Pour lutter contre « dry » et « sober », il faut comprendre à qui ils s’adressent. C’est à « nous », « nous » en tant qu’individu, et non en tant que groupe social, que « dry » et « sober » prodiguent leurs conseils. Sur un ton léger (in English), mais ferme (« toutes les études le montrent », etc.), paternaliste, mais culpabilisant, « ils » dictent la bonne conduite à tenir, en occultant volontairement ce qui nous lie aux autres en tant qu’individu d’un groupe social déterminé. Si le vin fait le malheur de l’individu, il fait aussi, indéniablement, le bonheur du groupe. Attendu que l’individu ne peut se passer du groupe, le vin est un mal inévitable pour éviter le pire : l’utopie moderne d’un bonheur individuel, détaché du groupe, extrait d’une société sans laquelle l’individu ne peut subsister. 
Buvons, raisonnablement, parfois avec excès, mais jamais seul, en se rappelant que la seule chose qui vaille ne s’appelle pas « sobre » ou « sec », mais fraternité, partage et convivialité. Loin des écrans et autour de la table, téléphones éteints et sens aux aguets, buvons du vin, avec la famille et les copains, afin d’offrir à chacun de nous de quoi un peu exister. Enfin, buvons du vin pour donner aux plus jeunes la possibilité de vivre ces moments de convivialité que la société moderne leur refuse au nom d’un bonheur individuel qu’ils n’atteindront jamais. On vous souhaite un excellent réveillon et un convivial début d’année !

* Un ethnocide est la destruction de l’identité culturelle d’un groupe ethnique (ici la France) sans nécessairement détruire physiquement ce groupe.

 

Olivier Borneuf
La Tulipe Rouge